Visite de trois de nos membres sur le site des Halles de la transition à Beaulieu et discussions sur les défis et perspectives pour le domaine de l’insertion.
Vendredi 1er juillet, Madame la Conseillère d’Etat vaudoise Rebecca Ruiz a consacré le premier jour du renouvellement de son mandat en tant que Conseillère d’Etat à l’insertion socioprofessionnelle. Accompagnée d’une délégation du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), elle a en effet rencontré le comité d’Insertion Vaud.
La journée a commencé par la visite des mesures d’insertion de trois de nos membres, toutes situées dans les nouvelles Halles de la transition à Beaulieu. C’est d’abord la société de recyclage de textiles Textura (DEMARCHE société coopérative) qui a accueilli la délégation. La responsable Emmanuelle Rossier a ainsi pu détailler le fonctionnement de la mesure d’insertion, de la récolte au recyclage en passant par le tri, et les enjeux de la branche autour de l’économie circulaire et de l’utilisation de textiles recyclés dans un circuit court et local.
La délégation s’est ensuite rendue dans l’espace des Halles de la transition qui accueille L’Eveil et Mentor Energy. Accompagnée par les responsables, respectivement Oran McKenzie et François Egger, elle a pu découvrir le réaménagement très réussi de ce grand espace industriel de 2400 m2, à l’aide de portakabin, escaliers, de lieux de détente et de plantes vertes. Mentor Energy a présenté sa mesure destinées aux jeunes primo demandeurs et aux seniors qualifiés. L’Éveil a ensuite détaillé sa philosophie de réinsertion, à l’intersection entre art, santé, social, spiritualité et écologie.
La rencontre avec Rebecca Ruiz et la délégation du DSAS fut également l’occasion d’échanger avec le comité d’Insertion Vaud sur les défis et perspectives pour le domaine de l’insertion. La Conseillère d’Etat s’est voulue rassurante quant à la volonté du Canton de Vaud de poursuivre sa politique active d’insertion socioprofessionnelle. La demi-journée s’est ponctuée par un délicieux repas en commun au restaurant La Station (restaurant d’insertion géré par L’Eveil et Mentor Energy).
Le secteur de la restauration souffre encore du COVID, certain·e·s employé·e·s ayant décidé de changer de métier. Les mesures d’insertion sont également touchées. Mais cette pénurie de personnel est aussi une bonne nouvelle pour les bénéficiaires qui choisissent cette voie.
Le Café Restaurant des Tilleuls à Renens, L’Union à Epalinges, Quai 14 à Lausanne, La Pinte Vaudoise à Pully ou encore La Station à Lausanne, des restaurants comme les autres, ou presque. Car en plus de servir des plats, ces cinq établissements encadrent des bénéficiaires, jeunes en formation ou personnes suivant des mesures d’insertion socioprofessionnelle. Et comme dans toute la branche, ils sont touchés par la pénurie actuelle de main-d’œuvre suite à la crise du COVID. Il faut dire que le problème est profond. Plus de 10’000 places de travail étaient à repourvoir dans l’hôtellerie et la restauration ce début d’année.
L’Hôtel-Restaurant l’Union est une entité de la société coopérative Démarche. Quatre secteurs, l’entretien, l’accueil, le service et la restauration, sont chacun encadrés par un·e professionnel·le. Ils sont composés d’une équipe de permanent·e·s ainsi que d’une équipe de participant·e·s. Cela représente en tout 36 places conventionnées dans le cadre de l’aide sociale et 5 places avec le Service de l’emploi. La forte demande en personnel sur le marché du travail est un atout pour l’insertion des bénéficiaires, remarque Emmanuelle Rossier, responsable du Département prestations chez Démarche. “Nos observations montrent qu’il est plus facile d’accéder maintenant à un emploi dans le domaine de la restauration qu’avant la pandémie, et cela de manière assez nette.”
Au Café Restaurant des Tilleuls, quatre jeunes suivent un apprentissage d’employé·e en restauration dans le domaine du service. Pour ce qui est de la cuisine, l’établissement a la possibilité d’accueillir des jeunes pour un stage, comme d’autres restaurants de l’économie réelle. Ce lieu d’intégration est géré par l’Orif. “C’est une super opportunité pour ces jeunes, réagit Benoît Da Costa de l’Orif Renens. Le manque de personnel actuel favorise l’intégration dans le marché du travail. Il y a plus d’opportunités qui s’offrent à eux à la fin de leur formation.”
Recrutement difficile Si les opportunités dans le monde du travail sont là, faut-il encore que les professions de la restauration attirent du monde. “Le problème est que, si le tout public s’éloigne de ces métiers, c’est aussi le cas du public de l’insertion”, déclare Emmanuel Rossier de Démarche. À l’Orif Renens, même constat : “pour une place mise au concours récemment, nous avons effectivement eu de la peine à recruter, explique Benoît Da Costa. On sent bien que, suite à la crise du COVID, les gens se sont tournés vers d’autres professions. Par contre, en ce qui concerne les encadrants, les maîtres et maîtresses socioprofessionnel·le·s, cela pose moins de problème.”
Le restaurant d’application La Pinte Vaudoise mis en place par GastroVaud est aux premières loges pour observer le désamour actuel pour les métiers de la restauration. Gaël Brandy est le chef de cuisine de ce lieu ouvert au public, et qui propose un Programme d’Emplois Temporaires et d’Emplois d’Insertion avec le Service de l’emploi (voir vidéo ci-dessous). “Les restaurateurs nous appellent régulièrement pour savoir si nous avons du personnel qui serait à disposition, notamment pour la période estivale, relate-t-il. C’est très compliqué parce que, de notre côté, même avec le Service de l’emploi, nous avons de la peine à trouver du monde pour participer à notre programme. On ressent vraiment que le personnel dans la restauration a quelque peu quitté le navire.”
Un métier difficile, mais source de satisfaction Dans les cuisines de La Pinte Vaudoise depuis de nombreuses années, ce chef passionné essaie de se rassurer : “c’est un si beau métier, la restauration, je pense que les gens vont revenir”. Mais il remarque que les restaurateurs sont très inquiets, car ces difficultés ne sont pas seulement conjoncturelles. De nombreux·euses employé·e·s se sont en effet rendu compte qu’ils pouvaient exercer une autre profession, avec des conditions plus confortables, et il est difficile d’imaginer leur retour.
Les responsables des mesures en lien avec la restauration devront donc trouver les mots pour convaincre d’éventuel·le·s bénéficiaires de choisir cette voie professionnelle. “Notre travail est de montrer que ce domaine a certes ses contraintes, mais il est aussi une grande source de satisfaction, conclut Emmanuelle Rossier. Notre gérant à L’Union, qui connaît parfaitement le domaine de la restauration et de l’hôtellerie, aime bien rappeler qu’il s’agit d’un des seuls corps de métier où l’on est remercié tous les jours. Et puis, la restauration, c’est un domaine lié au plaisir, ce qui est extrêmement valorisant.”
Plusieurs membres d’Insertion Vaud ont des activités en lien avec l’hôtellerie et la restauration (restaurant d’application, service traiteur, etc.). La liste est consultable ici (choisir « Domaine de préparation professionnelle: Hôtellerie / Restauration »): https://insertion-vaud.ch/membres/ .
Notre article sur l’impact et l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de l’insertion, en lien avec notre newsletter de décembre 2021, a été publié dans le dernier numéro de la revue ActualitéSociale édité par AvenirSocial.
Encore peu utilisées, les innovations technologiques pourraient parfois améliorer la prise en charge dans les mesures d’insertion. Mais le coût reste un frein important.
Intelligence artificielle, objets connectés, réalité virtuelle, blockchain… Les innovations technologiques nous sont souvent vendues comme les leviers d’une prochaine révolution numérique : un monde toujours plus connecté, décentralisé et automatisé. Au-delà des craintes que peuvent susciter ces évolutions, notamment les aspects liés à la protection de la vie privée, certains outils, lorsque leur utilisation est bien encadrée, améliorent l’apprentissage et la mise en situation en simulant le réel. Dans ce cadre, nous avons voulu savoir si les nouvelles technologies étaient utilisées ou suscitaient de l’intérêt dans l’insertion socioprofessionnelle.
Mais un constat s’est rapidement imposé : il est difficile de trouver des exemples concrets parmi les membres d’Insertion Vaud. “Nous avons souvent la tête dans le guidon, avec des mesures d’insertion qui satisfont les institutions qui nous financent, relate Cathy-Jill Barraud, directrice d’IPT Vaud. Il n’est donc pas facile de se pencher sur des projets d’amélioration innovants utilisant des nouvelles technologies.” Un problème de temps et de ressources, mais aussi d’argent. “Nous avons certes voulu tester l’utilisation d’un logiciel pour simuler les entretiens d’embauche avec un avatar numérique, poursuit-elle. Mais les coûts étaient malheureusement trop élevés pour poursuivre l’expérience.”
Même problématique du côté de Lab4tech, une mesure active qui s’adresse aux demandeur·euse·s d’emploi du domaine de l’informatique spécialisée. « Nous avons décidé de tester le logiciel Vima, une plateforme externe affiliée à l’institut de recherche Idiap à Martigny, explique son directeur Olivier Vanhiesbecq. Celle-ci analyse, avec des outils d’intelligence artificielle, le comportement à travers des enregistrements vidéo. Pour l’instant, le frein principal est le coût. Étant subventionnés à 100% par le SDE (Service de l’emploi – logistique des mesures du marché du travail), nous devrons montrer le bénéfice d’un tel outil pour pouvoir profiter d’un financement, même si, au final, le coût n’est pas exorbitant : entre 1’500 et 3’000 francs de frais annuels et entre 20 et 70 francs pour chaque utilisation. »
L’intelligence artificielle plus alerte que l’oeil humain
Les tests effectués par Lab4tech sont très récents et encore en cours, mais les premiers résultats sont concluants. “Il suffit d’un ordinateur, d’une webcam et d’une pièce bien éclairée pour utiliser Vima. L’intelligence artificielle décèle alors des choses que l’œil humain ne voit pas, par exemple lorsque l’expression corporelle n’est pas en adéquation avec le message qui est communiqué. Nous pouvons ensuite faire un retour aux candidat·e·s pour qu’ils puissent améliorer leur présentation.”
Parfois, des solutions plus simples existent sans grand investissement financier. Lab4tech utilise ainsi le jeu informatique de construction Minecraft pour aider les bénéficiaires à comprendre la méthodologie Scrum visant à encadrer le développement de projets informatiques. “Avec ce jeu, nous simulons des situations qui pourraient se passer dans la vraie vie, par exemple lors d’un projet de développement d’un site internet, déclare le formateur Samuel Keller. Mais l’utilisation de nouvelles technologies sert plus, ici, à combler le fait de travailler à distance du fait de la situation sanitaire. Avant, nous avions la même démarche, mais avec des Lego.”
L’utilisation de jeux informatiques dans l’insertion professionnelle pourrait se développer à l’avenir. Appelés parfois “serious game” ou jeux sérieux, ces outils intègrent des aspects ludiques pour faciliter l’apprentissage. Selon certaines études, “79% des apprenant·e·s déclarent qu’ils seraient plus productifs et motivés si leur environnement d’apprentissage était plus ludique”, relatait un article de la revue REISO l’année dernière. Un chiffre que confirme une étude comparative française. Selon ses conclusions, “les impacts des serious games sur les apprentissages et la motivation semblent constituer un levier important pour la réussite des démarches d’accompagnement vers l’insertion”.
Réalité augmentée pour assimiler les métiers de la construction
Enfin, pour développer des projets technologiques ambitieux, reste la solution de la collaboration et la recherche de fonds publics. C’est la stratégie adoptée par l’Organisation romande pour la formation et l’intégration (Orif), à Sion. Elle a pu développer un outil spécifique en collaborant avec une haute école. L’antenne de Sion s’est ainsi alliée à la HES-SO Valais et a obtenu un financement de l’Agence suisse pour l’encouragement de l’innovation (Innosuisse) à hauteur de 350’000 francs. Le résultat : un outil innovant utilisant la réalité augmentée afin de faciliter l’apprentissage des métiers de la construction (voir vidéo : “Une application pour lire les plans 2D”). Encore en phase de développement, ce projet pourra être déployé dans les différentes antennes Orif en Suisse, ainsi que dans d’autres centres de formations, lorsqu’il sera prêt. Les maîtres socio-professionnels de l’Orif Sion utilisent également la réalité augmentée pour améliorer l’apprentissage de la soudure (voire vidéo : “Réalité augmentée pour apprendre à souder”).
Reportages vidéos : deux exemples d’utilisation des technologies dans le cadre de mesures d’insertion
Le média Heidi.news s’est penché sur le recyclage informatique en Suisse. La branche bénéficie du travail des ateliers d’insertion, comme ceux de la Fondation Mode d’emploi.
C’est une “plongée dans la chaîne du recyclage des appareils électriques” proposée par heidi.news le 6 octobre dernier. Un décryptage instructif qui montre l’ampleur de la tâche. Au Mediamarkt de Crissier, par exemple, “une dizaine de palettes d’un poids moyen de 250 kg” sont collectées chaque semaine.
En Suisse, le matériel électronique et informatique usagé est traité par Swico Recycling, Ce système de reprise national à but non lucratif est financé par la contribution anticipée de recyclage (CAR), “une taxe payée par les consommateurs lors de l’achat du produit”. Swico Recycling collabore avec 90 ateliers dans lesquels des personnes démontent des ordinateurs, écrans, smartphones et autres appareils pour que les différents composants puissent être traités séparément. Or ce travail est notamment opéré par des structures d’insertion. C’est le cas à Yverdon, où les appareils électroniques collectés par la déchetterie sont transmis à l’atelier de la Fondation Mode d’emploi.
Lancé au mois de juin dernier, le site ontecoute.ch vient en aide aux 18-25 ans, en leur proposant des réponses à leurs questions, des jeux, des articles et un espace de discussion.
L’association romande CIAO, qui gère le site ciao.ch destiné aux 11-20 ans, a lancé ce printemps une plateforme similaire pour les 18-25 ans: ontecoute.ch. Les jeunes adultes y trouvent des informations et des réponses à des questions relatives à la sexualité, aux discriminations, aux formations et au travail, ou encore à des problèmes d’alcool, d’argent ou de drogue.
Le projet, d’abord dans une version pilote, sera proposé jusqu’à la fin de l’année avec une possible pérennisation dès 2022, précisait l’association ce printemps. Onze institutions partenaires de l’ensemble de la Romandie participent à la plateforme et d’autres encore devraient les rejoindre cet automne.
De manière plus générale, le canton de Vaud a annoncé ce 5 octobre vouloir “intensifier le soutien à la jeunesse en temps de pandémie”. Des fonds débloqués ont permis ou permettront de financer une série de mesures dont fait partie cette extension des prestations de l’association CIAO à un public plus âgé.
Une meilleure intégration des personnes trans*1 passe aussi par le développement d’environnement de travail soutenant lorsqu’une personne fait son coming-out et opère une transition en cours d’emploi. Exemple avec Raphaëlle Guglielmetti de la police de Nyon, probable première policière à avoir transitionné en cours d’emploi en Suisse.
“Ma transition s’est faite en deux phases, commence Raphaëlle Guglielmetti. Mon premier coming-out était en tant que personne “gender fluid”. Je naviguais entre les genres, affichant tant du masculin que du féminin qu’un entre-deux. Or comme je travaillais et habitais dans la même ville, je me suis dit qu’il fallait l’annoncer à mon employeur et mes collègues au cas où je me ferais contrôler au volant de mon véhicule. Puis je me suis rendue compte assez vite que j’étais une femme, et j’ai donc fait un deuxième coming-out en tant que femme trans* non-binaire.”
Cette deuxième étape se fera alors un peu maladroitement. “Je n’ai pas été accompagnée par une association ce qui, avec du recul, était peut-être une erreur, estime-t-elle. Par exemple, j’ai dit à mon employeur que jusqu’au terme de mon parcours (que j’estimais à deux ans) je pourrais afficher du masculin. Une association m’aurait alors fait comprendre que je me faisais des illusions. Lorsqu’on a le ressenti d’être d’un autre genre que celui assigné à la naissance, le repousser à plus tard crée de la souffrance. Certes dans mon cas c’était femme, mais une formulation plus générique peut permettre à une autre personne trans* de mieux s’identifier. Et puis, lorsque l’on fait un travail sur sa voix, par exemple, on ne peut pas le faire juste sur son temps libre, en dehors du travail. C’est un travail qui doit être continu.”
Lors de ce coming-out, Raphaëlle Guglielmetti s’est toutefois sentie soutenue. Elle et son employeur n’ont alors pas jugé nécessaire de communiquer officiellement à tous les collaborateurs. “Cela n’était pas forcément judicieux, relate-t-elle. D’un côté, des gens me soutenaient naturellement et utilisaient des pronoms féminins pour me parler, mais ils ne se sentaient pas légitimes de le faire. Et de l’autre, des collègues me critiquaient derrière mon dos et se sentaient le droit de le faire parce que rien n’avait été clairement annoncé.” La direction a alors rapidement rectifié le tir en envoyant un courriel, clairement positionné en soutient, à tous les collaborateurs. « la dynamique est alors devenue plus positive et acceptante. »
Manque de formations
Pour Raphaëlle Guglielmetti, ces couacs sont sans doute le fait d’un manque d’accompagnement et de formations, que cela soit dans le monde du travail, mais aussi dans le milieu médical ou dans la société dans son ensemble. Parce que la thématique des transidentités n’est encore que peu connue pour toute une partie de la population. “La génération Z est beaucoup plus en avance sur ces thèmes-là », poursuit-elle. Elle estime qu’un manque de connaissance des générations plus anciennes n’est pas bon pour la société, parce que cela ne fait qu’agrandir les incompréhensions entre les jeunes et les adultes.
Enfin, lorsque l’on interroge Raphaëlle Guglielmetti sur comment améliorer l’insertion socioprofessionnelle des personnes trans*, elle propose plusieurs pistes : “Pour les personnes concernées, je pense qu’il est toujours mieux de faire son coming-out, d’être le plus en accord avec soi-même. Cela donne de la confiance et de la force dans le processus d’insertion. Et si un employeur potentiel met de côté votre dossier de candidature pour cela, ce n’est finalement pas si grave parce que cela n’aurait de toute façon pas été un environnement de travail accueillant pour une personne trans*. Et du côté des accompagnants, je conseille d’être le plus ouvert et accueillant possible. Il y a la formation, bien sûr, mais aussi la présence de flyers, de signes distinctifs LGBTQI+. Et puis, on peut aussi accueillir les personnes en donnant ses pronoms et en leur demandant par quels pronoms ils souhaitent être identifiés. Ce sont de petites choses qui permettent d’aider les personnes à communiquer.”
1 Le * à trans* a été ajouté par volonté de la personne interviewée pour inclure toutes les transidentités
Laurence Baud, responsable des services d’orientation / Psychologue conseillère en orientation chez FuturPlus, et Stéphane Bessire, Responsable de structure, scenicprod (Démarche), nous font part de leurs expériences avec des personnes trans qui ont suivi une mesure d’insertion.
Laurence Baud, responsable des services d’orientation / Psychologue conseillère en orientation chez FuturPlus:
“J’ai suivi des jeunes concerné.e.s par cette thématique, généralement universitaires et désirant des conseils sur une réorientation de leur formation. Chaque situation est unique. Par exemple, l’un de ces jeunes s’était présenté sur le formulaire d’inscription avec un “.e” à la fin de son prénom. Je n’y avais pas vraiment fait attention avant l’entretien. Ce n’est que durant le rendez-vous, en abordant les questions liées aux loisirs et autres aspects sociaux, qu’elle m’a expliqué être en questionnement soit sur une éventuelle transition soit sur la possibilité d’une identité non-binaire. Dans d’autres situations, la transition est acquise; j’ai reçu, par exemple, une personne née fille qui avait déjà transitionné en homme. Là aussi, je ne le savais pas au début de l’entretien. Il m’a annoncé être très militant pour la cause trans et c’est de cette manière qu’on abordé le sujet. Je n’étais pas vraiment préparée à aborder ces questions dans le cadre de mon travail, si ce n’est de manière générale via ma formation en psychologie. D’un côté, je pense que c’était intéressant de ne pas l’être, cela a amené une forme de spontanéité dans nos échanges. Ces rencontres m’apportent beaucoup de connaissances et de compréhension et me permettent aussi d’apprendre à travers l’accompagnement. Mais d’un autre côté, si à l’avenir quelqu’un me pose par exemple des questions sur les bonnes pratiques en lien à la rédaction d’un dossier de postulation par exemple, je trouverai intéressant d’avoir des connaissances plus spécifiques afin de pouvoir conseiller efficacement les bénéficiaires de nos mesures qui sont concernés par la thématique des transidentités.”
Stéphane Bessire, Responsable de structure, scenicprod (Démarche):
“Nous avons eu quelques cas en lien avec la thématique des transidentités. Un jeune est arrivé dans notre structure en tant que garçon, alors qu’il avait commencé son suivi d’insertion en tant que fille. Cette situation n’a pas été confrontante au sein de scenicprod, car nous en avons discuté en interne et étions attentifs. La transition avait déjà été effectuée, aussi bien administrativement que physiquement, et il n’y a eu aucun questionnement ou difficulté, aussi bien du côté des encadrants que des autres participants. Une autre personne, avec une identité administrative féminine, est arrivée et nous a dit s’identifier avec le pronom “il”. Cela nous a un peu interpelé. Une de nos préoccupations principales, en tant que structure accompagnant des jeunes dans des mesures visant à favoriser leur insertion sur le premier marché, est de préparer ces personnes à ce qu’ils peuvent être confrontés, par exemple face à de potentiels employeurs. Nous l’avons donc sensibilisé à cela, les interrogations que pourrait avoir un employeur face à cette divergence entre l’identité de genre administrative et celle désirée. D’une manière générale, nous essayons d’informer les jeunes sur les différentes ressources à disposition via les suivis hebdomadaires complétés par un panneau d’affichage qui contient des adresses, cartes de visites ou flyers des différentes associations. Et si besoin un suivi régulier avec un spécialiste sera organisé.”
Les professionnel.le.s des ressources humaines ou de l’insertion socioprofessionnelle ne sont pas toujours assez sensibilisés et formés à la thématique trans, selon Adèle Zufferey, psychologue et intervenante sociale de la Fondation Agnodice. Elle nous livre son expérience et ses conseils.
C’est à la Fondation Agnodice à Lausanne que nous reçoit Adèle Zufferey. Voici cinq ans qu’elle y travaille, pour accompagner les jeunes et leur famille dans les questions liées aux transidentités. Elle et ses collègues interviennent régulièrement dans les milieux scolaires ou d’apprentissage, afin que les jeunes qui font leur coming-out puissent être intégrés au mieux dans leur identité de genre ressentie. Agnodice forme également les professionnels de divers horizons, directeur.trice.s d’écoles, travailleur.se.s sociaux ou encore maître.tresse.s d’apprentissage. La spécialiste a collaboré à l’ouvrage collectif “Jeunes trans et non binaires. De l’accompagnement à l’affirmation”, sorti ce début septembre.
Selon vous, la thématique des transidentités dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle est-elle assez prise en compte?
Non. Les gens ne connaissent pas, de manière générale, l’impact sur l’insertion et sur le chômage des personnes qui font des transitions de genre. Les chiffres sont révélateurs. On estime aujourd’hui, en Suisse, que 20% de la population trans en âge de travailler est au chômage. Cela représente tout de même cinq fois plus que pour toute la population suisse. Et près de 30% des personnes qui ont fait une transition dans leur carrière ont été renvoyées à cause de cela, même si les motifs sont cachés, car il serait illégal de le faire pour cette raison-là. Enfin, un peu plus de 10% d’entreprises interrogées lors de récentes discussions LGBT disaient qu’elles hésiteraient à engager une personne trans. Ce sont des chiffres très importants qui ne sont pas assez connus.
Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez?
Les jeunes que l’on reçoit sont souvent stressés par cette problématique de l’insertion. Ils ont peur de ne pas pouvoir trouver de place d’apprentissage, de ne pas être bien compris par les entreprises. Et même pour des personnes plus âgées, celles au chômage, par exemple. Elles s’inquiètent des démarches, comment faire des postulations. Le décalage est parfois grand entre ces inquiétudes d’un côté, et de l’autre, des personnes encadrantes qui ne comprennent pas toujours pourquoi ces personnes ne trouvent pas d’emploi.
Le monde du travail et de l’insertion ne sont donc pas encore toujours très inclusifs?
Non. Il y a encore beaucoup de transphobie. Quand ce sont des jeunes qui font des transitions de genre, souvent pendant la scolarité, l’insertion socioprofessionnelle est meilleure parce qu’il y a eu une transition à l’école, il y a une discussion et ils sont jeunes, c’est plus facile. Quand ce sont des personnes qui font des transitions à 30, 40, 50 ans, il est souvent plus compliqué de se réinsérer professionnellement, de pouvoir faire un coming out dans son entreprise. C’est plus délicat et on ne parle malheureusement pas encore assez de cette problématique.
Comment changer cela?
Le décalage principal vient du manque de formation. Il est facile pour une structure de dire: “ici on traite tout le monde de la même manière”, mais c’est plus compliqué quand on se retrouve face à une personne qui a une expression de genre qui ne correspond pas à sa carte d’identité. Dès qu’il y des informations, que des formation sont données sur ces questions, cela permet de rassurer les gens, parce que ça leur donne un cadre de compréhension et surtout cela leur donne des clés pour savoir comment procéder au mieux avec des personnes trans. Et forcément cela améliore les pratiques.
Quels conseils donneriez-vous aux employeurs?
Faire un tour sur le site trans welcome, c’est déjà une première étape intéressante. On y trouve des conseils sur comment rendre un environnement de travail favorable et soutenir cette thématique. L’étape d’après est de se former et de s’informer. Demander aux associations, aux professionnels, de l’aide pour avoir un milieu “safe” en termes de diversité.
Faut-il communiquer une transition au sein de l’entreprise?
Tous les employés ne seront pas forcément mis au courant. Ça dépend de ce que désire la personne concernée. Dans certains cas, lorsqu’il y a une transition alors que la personne est déjà intégrée dans son lieu de travail depuis longtemps, certains employeurs organisent une journée de sensibilisation. Cela dépend de chaque cas.
Y a-t-il des bonnes pratiques pour les personnes en transition qui cherchent un emploi ou qui sont déjà employées?
Ce que nous conseillons aux jeunes surtout, c’est d’être le plus transparent possible, soit dans leur lettre de motivation ou via un petit mot ajouté au dossier de postulation. On pourra y expliquer pourquoi les papiers d’identité sont à ce nom-là et pourquoi cela ne correspond pas au prénom communiqué. Mais cela peut aussi être à double tranchant parce que l’entreprise pourrait se dire qu’elle ne lit pas ce dossier parce que c’est un personne trans. Pour des personnes adultes, tout dépend de ce qu’elles désirent et ressentent. Si elles ne veulent pas en parler, c’est totalement ok. Il ne faut jamais pousser une personne à faire son coming out à son employeur.
Comment les structures proposant des mesures d’insertion peuvent-elles accueillir au mieux ces personnes?
Il faut essayer d’avoir un environnement de réception de ces personnes qui soit inclusif. Et cela passe parfois par de très petites choses pratiques, comme avoir des flyers sur l’identité de genre. Il y a aussi des autocollants proposés par l’association Vogay et des partenaires dont notre fondation sur lesquels il est écrit: “ici on peut parler d’orientation sexuelle et d’identité de genre ». Il suffit de le coller à un endroit. La plupart des gens ne le verront même pas, mais pour les personnes concernées, ça sera un déclencheur. Cela s’est beaucoup vu dans les écoles. Quand les infirmières scolaires ont commencé à les mettre, on a vu que beaucoup plus de jeunes ont osé poser des questions. Cela a permis de libérer la parole.
Et les formations que vous donnez?
C’est aussi une bonne solution pour améliorer la prise en charge des personnes trans dans des mesures d’insertion. C’est même essentiel que les accompagnants soient formés. Nous intervenons parfois pour une journée entière. L’idéal est en tout cas deux heures. Une pour poser les bases, expliquer ce qu’est le genre, etc. Et la deuxième pour laisser un espace pour les questions un peu plus pratiques, les expériences vécues.
Lancé ce mois d’août, le site internet jestime.ch permet d’estimer son droit à des prestations sociales.
Aide sociale, bourses d’études et d’apprentissage, prestations complémentaires à l’AVS ou à l’AI ou encore subsides à l’assurance maladie : quels sont mes droits sociaux ? Avec la nouvelle plateforme internet jestime.ch, il est possible de le savoir en quelques clics.
Lancée ce mercredi par une équipe interdisciplinaire de la Haute école de gestion Arc et de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO), l’outil est défini comme «un instrument novateur qui vise à limiter le non-recours aux prestations sociales». L’utilisateur doit se munir de sa dernière déclaration d’impôt et répondre à un questionnaire. Sur cette base, « les personnes sont orientées vers les prestations dont elles pourraient bénéficier en fonction de leur situation personnelle et une évaluation du montant auquel elles pourraient prétendre est réalisée», rapportent les responsables dans un communiqué. Ils ajoutent que « l’anonymat est garanti ».
Le projet s’adresse aussi bien au grand public qu’aux institutions de l’action sociale qui peuvent l’utiliser dans leurs permanences. Il est développé en collaboration avec les services sociaux cantonaux concernés, Caritas, le CSP, Pro Infirmis et Pro Senectute.