Catégorie : Reportage

  • La roue tourne et un cycle se termine pour la mesure Patrimoine au fil de l’eau

    La roue tourne et un cycle se termine pour la mesure Patrimoine au fil de l’eau

    Bientôt chassée des Moulins Rod à Orbe par le propriétaire désireux de créer des appartements dans ce bâtiment historique, l’association Développement 21 prépare un dernier week-end de portes ouvertes les 26 et 27 septembre 2020. L’occasion d’un bilan pour ce projet qui a allié pendant douze saisons culture, nature et insertion, et qui prévoit déjà d’autres réalisations pour la suite.

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    ©Insertion Vaud

    Au pied du plus vieux pont en pierre de Suisse, les flots d’un canal dérivé de l’Orbe ont alimenté pendant plus de six siècles une minoterie devenue centrale électrique après la Révolution industrielle. De cet incroyable dédale de calcaire, machines, poutres et vieux planchers, un musée est né en 2009 grâce à un petit groupe de passionnés entraînés par le sculpteur Pierre-André Vuitel au sein de l’association Développement 21.

    Les Moulins Rod n’ont pas transformé que du grain et de l’énergie hydraulique. Quelque 350 bénéficiaires du Revenu d’insertion (RI), placés par le Service de l’emploi dans le cadre de la mesure Patrimoine au fil de l’eau, auront contribué sous diverses formes à réhabiliter, entretenir et animer les lieux au cours des douze années d’activité pendant lesquelles le musée a vu passer près de 36’000 visiteurs.

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    Dernière réalisation en date : la pose, entre avril et mai 2020, de huit panneaux et seize cartes didactiques dans un rayon de 9 kilomètres autour d’Orbe pour valoriser le patrimoine naturel et bâti de la région. Les participants de la mesure y travaillaient depuis plus d’une année, et certains ont même voulu encore finaliser les textes et mises en page depuis chez eux pendant le début du confinement pour aller au bout du projet. Ces panneaux présentent aux promeneurs des explications en français et allemand sur des curiosités architecturales, techniques ou archéologiques propres à chaque site, agrémentées de photos et d’un QR code pour visionner une vidéo sur chacun des thèmes. Le site internet www.richesses-patrimoniales.ch, auquel ont contribué quelques-uns des participants de la mesure, recense tous ces trésors.

    Compétences et considération

    « Nous étions forts pour permettre à chacun d’exprimer toutes ses compétences et se reconsidérer », relève Pierre-André Vuitel. Les participants ont ainsi pu exercer différentes activités au fil du temps, allant des métiers manuels nécessaires à la réhabilitation des lieux et l’entretien du musée, jusqu’aux travaux de recherche plus intellectuels pour la mise sur pied et la communication des nombreuses expositions et publications de l’association, en passant par différentes prestations de service – accueil du public, administration, écritures comptables, conciergerie, etc.

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    « Plusieurs indépendants se sont retrouvés au RI sans avoir droit au chômage, rappelle le maître des lieux. Nous avons tout le temps eu beaucoup d’imagination pour créer des postes et nous adapter aux envies de chacun. » Des jeux pour enfants, la construction d’un terrier-hutte de castors, des décorations spécifiques et même la création d’une véritable roue à augets témoignent de ces initiatives. Restant en moyenne trois à quatre mois, environ 20% des participants ont retrouvé du travail pendant la mesure, mais c’est sans compter les bénéfices psychosociaux de cette expérience pour certains participants très éloignés du marché du travail.

    En plus d’être un lieu permanent de vie, de culture et d’activités diverses de réinsertion, les Moulins Rod ont aussi été le berceau du festival Moulin-mouline, qui depuis 2014 proposait chaque année deux semaines de musique, danse, cirque et numéros de cabaret en fin d’été, notamment dans la salle de spectacle aménagée pour recevoir une centaine de personnes. 4800 spectateurs s’y sont pressés pour entendre des artistes soit célèbres, comme Sarclo, Michel Bühler ou Nicolas Fraissinet, soit amateurs, venant surtout de la région et des écoles de musique ou d’arts de la scène.

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    La suite

    Avec la fermeture annoncée du site pour le 30 septembre, une page se referme et il n’y aura pas de 7e édition pour le festival, mais un week-end de portes ouvertes gratuites avec la projection d’un film sur les moments-clefs d’activités de l’association aux Moulins Rod. D’ici là, le musée reste ouvert, dernière occasion pour découvrir cette surprenante bâtisse et son fascinant passé de 600 ans, avant qu’un chantier de rénovation n’en efface la plupart des traces.

    Pour la suite, Pierre-André Vuitel fourmille déjà d’idées pour créer d’autres événements dès 2021, comme un festival d’histoire dans le village des Clées avec marché médiéval, conférences, spectacle son et lumière, etc. Il annonce vouloir continuer le travail de réinsertion et avoir pour cela reçu des propositions de locaux dans la commune toute proche de Baulmes. « Nous espérons poursuivre nos activités de valorisation du patrimoine régional au service de l’insertion, dit-il. Les besoins vont être en augmentation, crise économique oblige. Si on peut être encore utile… On a tout le matériel et le savoir-faire ! »

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  • Les participant-e-s des mesures d’insertion font face à la crise sanitaire

    Les participant-e-s des mesures d’insertion font face à la crise sanitaire

    Le semi-confinement imposé par la pandémie du Covid-19 est un coup de massue pour les personnes en recherche d’emploi. Dans ces conditions, celles et ceux qui arrivent malgré tout à trouver des perspectives sont une minorité. Mais cela rend ces succès d’autant plus réjouissants. D’où l’envie de partager quelques-unes de ces histoires glanées auprès d’organismes membres d’Insertion Vaud.

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    Depuis tout juste une année, Mathias* suivait la mesure DiversCités chez Emploi Lausanne, un programme qui propose aux bénéficiaires du Revenu d’insertion (RI) des activités d’utilité publique visant la reprise progressive d’un rythme de vie. N’ayant plus travaillé depuis 2013, le jeune homme de 36 ans avait peu de succès à mettre à son actif, mais une conviction : « Celle de vouloir exercer une activité lui permettant de rendre service aux autres », raconte son conseiller en insertion, Mario Pasqualone.

    D’où l’idée d’orienter les recherches sur le métier d’assistant socio-éducatif (ASE). Après de nombreuses tentatives, Mathias a décroché deux stages dans des établissements médico-sociaux (EMS) gérés par un grand groupe de la région. Et le 15 avril, en pleine tourmente du coronavirus, l’institution a décidé de l’engager en CDD d’une année, promettant si tout va bien de le garder ensuite avec un salaire d’aide animateur à 80% afin qu’il puisse se préparer en parallèle à passer son certificat fédéral de capacité.

    Mathias a convaincu l’employeur grâce à « son implication, son sens des responsabilités, son envie d’apprendre et son humilité. Durant cette période de crise sanitaire, il a été plus que jamais fidèle au poste et utile aux résidents et à l’institution, touchée comme tant d’autres EMS de notre canton par le Covid-19 », témoigne son conseiller.

    Ce dénouement exemplaire est loin d’être anecdotique. A l’Orif, une bénéficiaire de l’assurance-invalidité a été engagée au 1er avril en CDI à 50% pour travailler dans l’intendance d’un EMS après un stage de 6 mois, rapporte entre autres Vincent Botet, directeur du Service intégration.

    Même des personnes à l’assurance-chômage, malgré l’arrêt des mesures du marché du travail (MMT), arrivent à sortir leur épingle du jeu, parfois au terme d’un long processus. A la fondation IPT, Ghislaine Salda-Chaverou mentionne notamment cette dame qui vient d’être engagée en CDD comme planificatrice dans un Centre médico-social (CMS) après un parcours fortement éprouvant, marqué par un cancer.

    Focus sur la santé

    Le domaine de la santé est bien entendu particulièrement porteur de débouchés en ce moment, notamment parmi les migrants. Chez CEFORI, Centre de Formation et de Ressources pour l’Intégration, Isabel Perez se réjouit qu’une de ses apprenantes vienne d’être admise à l’Ecole supérieure de la santé pour une formation de technicienne en salle d’opération à la rentrée prochaine. L’association l’a suivie pour un renforcement des compétences de base en français et maths.

    Certains ont des compétences professionnelles prêtes à servir, mais sont en attente d’une reconnaissance de leur formation, comme ce réfugié politique soutenu par l’association 1951 : technicien en analyses biomédicales dans son pays, il devait faire un stage au CHUV en mai prochain afin de consolider son dossier. Mais vu les circonstances, le stage est remis à plus tard, explique Mélanie Courvoisier. Le participant a donc essayé de se rendre utile autrement au cours des dernières semaines, en faisant les courses pour aider une famille d’autres migrants touchés par le coronavirus.

    Un défi pour les migrants

    Pour les personnes étrangères, la situation sanitaire exceptionnelle ajoute une difficulté de plus au défi de l’intégration, ce qui donne aux bonnes nouvelles une saveur toute particulière. A Vevey par exemple, les collaborateurs du Travail Social de Proximité – Ginkgo sont heureux que deux jeunes Erythréens aient tout récemment vu leurs perspectives s’éclairer, à la fois sur le front du logement et celui de la formation professionnelle.

    Le premier, en stage rémunéré d’auxiliaire de santé dans un EMS depuis septembre 2019, a dû libérer son logement au 31 mars, en pleine crise du coronavirus, et vient heureusement de trouver un studio pour le 1er mai grâce à l’aide de son éducateur : « J’ai réussi à convaincre la personne, qui travaille dans une agence immobilière bien connue en Romandie, de l’importance de ce logement qui pouvait permettre au jeune de continuer son parcours professionnel, et j’ai eu la chance de tomber sur quelqu’un sensible à sa situation, qui a su convaincre à son tour le propriétaire d’accepter ce jeune homme comme locataire »,  explique Nicolas Delavy. Quant au stage, il a été prolongé jusqu’en juillet 2020, avec comme objectif pour le jeune de suivre ensuite la formation Croix-Rouge.

    Pour l’autre jeune, c’est pendant le confinement que le projet de formation s’est débloqué : après avoir exploré plusieurs voies, cheminement rendu ardu en raison de ses lacunes scolaires, le jeune homme, « qui n’y croyait plus trop », a obtenu un stage dans une entreprise de constructions métalliques, ce qui a débouché sur une promesse d’engagement pour un préapprentissage. Son éducatrice, Camille Del Boca, explique qu’au début de la mesure, ce jeune avait été freiné lui aussi par un problème de logement. Et c’est justement le propriétaire de son nouvel appartement qui lui a donné le contact de son désormais futur employeur !

    Pressions sur l’apprentissage

    La situation des jeunes en recherche d’apprentissage préoccupe énormément les organismes d’insertion. Dans quelques cas, heureusement, la rentrée prochaine est assurée. Ainsi, dans la mesure de transition Coach’in, à la fondation Cherpillod de Payerne, deux jeunes filles viennent d’être engagées pour une formation de gestionnaire du commerce de détail, après avoir eu très peur que tout tombe à l’eau. Une a été recrutée par un grand distributeur alimentaire, sans avoir pu effectuer le stage initialement prévu et sur la base d’un seul entretien réalisé juste avant le confinement.

    L’autre avait d’abord vu une promesse d’engagement refusée par la Direction générale de l’enseignement postobligatoire car l’entreprise ne répondait pas aux exigences. Puis, alors que son moral était au plus bas, elle a été forcée de rester en isolement pour avoir été en contact avec des personnes infectées par le Covid-19. Mais elle a eu ensuite l’opportunité de réaliser un stage d’une semaine dans une boucherie, qui vient de lui envoyer la confirmation écrite qu’elle pourrait commencer son apprentissage en août. « Nous n’avions encore jamais placé de jeune chez cet employeur-là », relève Tatjana Wasloff, responsable de la mesure. Elle pense que le soutien social et scolaire promis via la mesure AccEnt a été un argument rassurant pour le choix de cette candidate. En effet, les apprenti-e-s bénéficiaires de l’aide sociale sont suivis tout au long de leur formation par le Centre vaudois d’aide à la jeunesse (CVAJ), un accompagnement appréciable pour les entreprises.

    Mais ces exemples encourageants ne doivent pas cacher le fait que pour beaucoup d’aspirants à l’apprentissage, le temps qui passe est de plus en plus préoccupant. « Dans les métiers de la construction et de la restauration, la période de mai à juin est décisive pour les recrutements », souligne Vincent Botet de l’Orif. Or ce sont les secteurs les plus touchés par la crise et ils ont d’autres priorités actuellement.

    Une grande partie des jeunes et des moins jeunes suivis par les membres d’Insertion Vaud vont donc avoir plus besoin que jamais de soutien. S’il y a un domaine où le travail ne va pas manquer ces prochains mois, c’est bien celui de l’insertion.

    (*) prénom fictif

  • Crise du coronavirus : l’insertion au temps de la désertion

    Crise du coronavirus : l’insertion au temps de la désertion

    Bureaux vides, équipes en télétravail… Depuis le 16 mars 2020, une grande partie de l’activité des organismes prestataires de l’insertion est fortement entravée, voire à l’arrêt. Mais plusieurs mesures résistent : certaines par nécessité car elles doivent produire des biens considérés comme essentiels, d’autres parce qu’elles ont trouvé des manières innovantes de poursuivre l’accompagnement de leurs participants. Petit tour non exhaustif de quelques membres d’Insertion Vaud.

    e-learning

    « Rien n’a changé. » Tout le monde ne peut pas en dire autant, depuis que le Covid-19 s’est insinué dans la vie sociale et économique de chaque habitant du pays. Mais pour le directeur de la fondation Jobtrek, la poursuite des cours est assurée et le coaching fonctionne. La semaine précédant la fermeture des écoles, son équipe a fait le nécessaire pour s’assurer que chaque participant ait un compte en ligne et dispose du matériel nécessaire. « Les horaires sont maintenus, nous avons juste adapté les méthodes », explique Daniel Cazes, selon qui la plupart des jeunes suivis jouent le jeu.

    Comme dans d’autres organismes d’insertion, les participants sont appelés à utiliser des outils numériques, et ils sont nombreux. Chez Jobtrek, ce sont les logiciels Microsoft Teams et Skype qui servent à maintenir le lien entre les équipes et les participants. Pour le coaching, une application spécifique avait en outre déjà été développée il y a plusieurs mois, qui s’avère particulièrement indispensable aujourd’hui pour suivre l’évolution des jeunes « Trekis ». Des tâches spécifiques peuvent ainsi être confiées et suivies via leur téléphone portable.

    Une palette d’outils numériques

    Autres mesures, autres techniques. Le centre de formation FuturPlus utilise Zoom, une plateforme de vidéo-conférences, et a en quelques jours basculé tous ses cours en mode virtuel. « Nous l’utilisions déjà de manière ponctuelle, mais dès lundi 16 mars nous avons mis tout le monde dessus », raconte Anaïs Österlöf. La co-directrice relève que certains participants ont un peu peur, mais que la plupart ont plutôt bien accueilli la nouveauté. Les enseignants, quant à eux, « ont travaillé jusque tard tous les soirs de la première semaine pour adapter leurs cours. »

    Chez Motiv’Emploi, on a privilégié les solutions gratuites, comme Glowbl, qui propose une version sans frais pour un nombre restreint d’utilisateurs et de fonctionnalités, et même House Party, un réseau social très populaire chez les jeunes, permettant à plusieurs membres d’un groupe de communiquer simultanément, même avec un simple smartphone. Et pour ceux dont le Natel est trop ancien, nombreux parmi les participants à faibles moyens, c’est WhatsApp qui s’impose.

    L’association, en grande partie bénévole et offrant ses services à des personnes parfois hors de tout filet social, a également lancé un appel pour trouver des webcams. Cela lui permettrait d’équiper les 50 PC dont elle dispose et qu’elle pourrait prêter à ses bénéficiaires. Son fondateur, Jean-Marc Narr, indique avoir passé tous ses programmes en « distanciel » afin de continuer à suivre les participants.  « Nous essayons de les mettre en garde contre un usage trop intensif des réseaux sociaux, vraiment anxiogènes en ce moment, et de les préparer plutôt à l’après-crise en travaillant sur les cibles. »

    Finis, les stages

    Skype, WhatsApp et le bon vieux téléphone sont aussi mis à contribution chez Nasca Formation, notamment pour sa mesure SeMo Coaching, qui se focalise actuellement sur les nouveaux arrivants, la préparation de leur dossier de candidature et l’entraînement aux entretiens d’embauche. « Par contre nous ne pouvons organiser aucun stage en entreprise en ce moment. Nous sommes clairement moins efficaces qu’en période normale », reconnaît le co-directeur François Dirren, qui mentionne également le site Biceps.ch comme ressource utile pour l’appui scolaire des participants.

    La règle du télétravail

    Rien n’a changé – ou presque – dans un grand nombre de mesures d’insertion qu’il serait impossible de toutes mentionner.

    « Tous les collaborateurs de Mode d’emploi sont en télétravail, équipés IT, pour poursuivre l’ensemble de nos activités. Tous se sont très bien mis à ces outils géniaux. Les prestations (hors mesures du marché du travail – MMT) se poursuivent donc «normalement» à distance… On peut observer des capacités d’adaptation et de créativité réjouissantes dans ces périodes de crise ! », témoigne par exemple Claudine Robert, directrice de la fondation Mode d’emploi.

    Même soulagement à la fondation IPT, qui annonce sur LinkedIn – encore un outil numérique : « Grâce à notre infrastructure informatique et l’engagement de tout le personnel, le télétravail a pu être organisé en quelques jours. Merci à nos 180 collaborateurs-trices en télétravail depuis lundi pour leur rapide adaptation, leur motivation et leurs idées afin de soutenir à distance nos entreprises partenaires ainsi que les personnes accompagnées. »

    Nourriture, linge propre…

    Enfin rien n’a changé – quoique… – pour certaines activités considérées comme vitales. Ainsi que le rapporte la directrice du SemoNord, Ingrid Artieda : « Notre atelier Cuisine reste ouvert. En effet, les crèches et les garderies continuent d’accueillir les enfants dont les solutions de garde mettraient en danger des personnes à risque, les enfants du personnel soignant et des autres collaborateurs du système de santé. Nous continuons donc à livrer les repas dans ces structures. » L’atelier Ô’Sec reste également ouvert, car le traitement du linge pour les CMS doit continuer à être assuré. Enfin l’atelier Chocolat reste aussi opérationnel afin de garantir la livraison des sandwiches pour le service de dialyse de l’hôpital d’Yverdon-les-Bains.

    Pareil pour le programme de formation Cuisine de l’EVAM, qui continue d’assurer les repas des deux foyers pour mineurs non accompagnés. Responsable du Pôle Formation pratique, Brigitte Trolliet Mégroz souligne que « cette crise nous interroge sur notre manière de travailler et nous rend créatifs. » Ainsi les cybercafés de l’EVAM se transforment en espace d’apprentissage pour les enfants et les apprentis, et des projets naissent pour mutualiser les ressources.

    Autant de défis qui montrent que non, rien n’a changé : dans le domaine de l’insertion, il faut sans cesse se réinventer.

  • ProLog-emploi passe son 10e anniversaire au chevet des plus vulnérables

    ProLog-emploi passe son 10e anniversaire au chevet des plus vulnérables

    La mesure d’insertion créée en 2010 pour accompagner vers l’emploi des personnes au bénéfice de l’aide sociale s’est retrouvée plus utile que jamais pour répondre au besoin croissant de personnel dans les établissements hospitaliers, médico-sociaux et socio-éducatifs. Les participant-e-s, loin d’être renvoyés chez eux comme presque partout ailleurs pour éviter la propagation du coronavirus, sont à pied d’œuvre, «courageux et solidaires», témoigne la responsable de la mesure, qui souligne les gros enjeux d’adaptation sur les lieux de travail en cette période de crise.

    Accompagnement

    2020 aurait dû être l’occasion d’une fête pour marquer les dix ans de ProLog-emploi, association active uniquement dans le domaine socio-sanitaire, fondée par la coopérative Démarche, l’OSEO-Vaud et la fondation Mode d’emploi. C’était sans compter la pandémie de Covid-19 qui a mis une partie de la population, de l’économie et des mesures d’insertion à l’arrêt depuis la mi-mars, mais a dans le même temps intensifié la pression sur les milieux de la santé. Contrairement aux programmes qui fonctionnent entièrement à distance ou qui ont actionné le mode pause parmi les organismes membres d’Insertion Vaud, ProLog-emploi est au cœur de l’action, avec une centaine de candidat-e-s sous contrat dans les EMS et hôpitaux vaudois, mobilisés auprès de résidents et patients, ou en soutien aux équipes sanitaires.

    « Nous avons fait le tour de nos participants, et la plupart d’entre eux vont bien et sont contents qu’on les appelle. Personne n’a voulu stopper son contrat. Ils font leur travail, voire plus. Je suis impressionnée de voir à quel point ils sont impliqués dans leur mission, courageux et solidaires », témoigne Sandra Dupraz-Millius, responsable de l’association. L’occasion de faire leurs preuves, pour ces participant-e-s engagés en contrat à durée déterminée (CDD) dans divers métiers du domaine sanitaire ? « Absolument ! De manière générale, un grand nombre de candidats sont amenés à prêter main forte à leurs collègues dans de nouvelles tâches. Des administratifs amènent à manger, etc. Dans un grand hôpital du canton, une secrétaire a dû quitter son poste :  c’est alors notre candidate qui a repris le travail de sa référente au pied levé… », raconte la responsable.

    Un public fragile

    Sandra Dupraz-Millius relève que les 106 personnes actuellement en CDD de 10 mois dans le cadre de la mesure – 47 en intendance, technique ou logistique, 22 en cuisine ou cafétéria, 20 en soins comme auxiliaires de santé et 17 en administration – sont elles-mêmes pour la plupart en situation de vulnérabilité. « Beaucoup parlent mal le français et ne comprennent pas bien ce qu’il se passe. Certaines de ces personnes vivent isolées, loin de leur famille, ont peu d’amis ici ou élèvent seules leurs enfants. C’est un public fragile, avec parfois également des problématiques de santé. Heureusement la Croix-Rouge a édicté des recommandations qui ont été traduites dans plusieurs langues. Nous les avons partagées avec nos candidats. »

    Certains établissements ont d’ailleurs demandé aux personnes souffrant de maladies chroniques de ne plus venir travailler par précaution. Cette situation particulière demande un travail important aux conseillères en placement afin de rester en contact avec tous les candidat-e-s pour les soutenir, les rassurer et les orienter si besoin. Les visites étant suspendues dans les établissements de soins, les conseillères s’organisent pour proposer un suivi sur le lieu de travail par téléphone ou par Skype.

    « Certains candidats vivent cette période avec appréhension, mais dans l’ensemble tout se passe bien, car dans ces institutions les questions d’hygiène et de protection sont particulièrement prises au sérieux », affirme la responsable. Cela ne l’empêche pas de se dire soucieuse pour ses participant-e-s, dont certains n’ont même pas de médecin traitant. Elle salue aussi « les gestes de solidarité qui s’expriment ici et là, de la part des établissements clients qui se soucient du bien-être et de la santé de nos candidats ».

    Hausse des demandes

    En cette période exceptionnelle, la demande de personnel pourrait bien augmenter dans les milieux sanitaires et les cinq conseillères en placement de ProLog-emploi, toutes en télétravail, sont prêtes à répondre aux nombreuses institutions clientes pour leur proposer des candidat-e-s. « Nous avons actuellement 38 personnes admises dans la mesure qui pourraient être placées, et une dizaine d’entretiens d’admission à fixer, ce qui pourrait augmenter la capacité », détaille Sandra Dupraz-Millius.

    Elle ajoute cependant que contrairement à l’ordinaire, les cours pour auxiliaires de santé sont suspendus du côté des partenaires Croix-Rouge et Héviva. Normalement, les personnes bénéficiant de la mesure ProLog-emploi qui se spécialisent comme auxiliaires de santé ont 120 heures de formation à effectuer et à valider avant la fin de leur CDD chez l’employeur. Certains candidat-e-s – tous métiers confondus – ont également des cours de français qui sont actuellement donnés à distance par la formatrice indépendante qui collabore avec l’association.

    Sortir de l’aide sociale

    Du côté du principal mandant de la mesure, la Direction générale de la cohésion sociale, la demande ne tarit pas non plus. « Les assistants sociaux et les coachs d’autres organismes continuent de nous envoyer des e-mails pour placer des bénéficiaires en mesure d’insertion », relate Sandra Dupraz-Millius. Signe des temps, en cette période de télétravail, mais également signe que la mesure est jugée pertinente à double titre : parce qu’elle répond aux besoins de personnel au moment où la santé est au cœur de toutes les préoccupations, et parce qu’elle permet à des personnes fragilisées de sortir de l’aide sociale, totalement ou partiellement selon la situation familiale. Un CDD signé à travers ProLog-emploi, c’est 4000 francs bruts assurés pour les bénéficiaires à plein temps, financés par le Fonds de réinsertion auquel cotisent les quelque 130 entreprises partenaires – soit la plupart des EMS et tous les hôpitaux publics importants du canton.

    Un CDD via ProLog-emploi, c’est aussi, bien souvent, la perspective d’un emploi durable par la suite. En effet, les chiffres de l’an dernier indiquent un taux de placement de 61% suite aux CDD conclus dans le cadre de ProLog-emploi, et une moyenne de 56% sur l’ensemble des dix ans écoulés. En tout, 725 CDD ont été achevés depuis le début de ProLog-emploi en 2010, et 406 candidats engagés suite à leur CDD. Un très beau succès qu’il s’agira de fêter dignement une fois la crise passée. Quand les collaboratrices et les candidat-e-s de ProLog-emploi pourront souffler un peu.

    >> Vers le site de ProLog-emploi