Actualité
Reportage
Le journalisme pour acquérir des compétences transversales
Voix d’Exils est un programme d’activité de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) et un média d’expression libre pour les personnes migrantes qui fait ses preuves depuis plus de 20 ans. Pour son coordinateur Omar Odermatt, un tel outil d’insertion peut être utilisé avec d’autres populations.
C’est dans la fourmilière du centre administratif de l’EVAM, au sud de Lausanne, que se trouve la rédaction de Voix d’Exils. Ce média a été créé par l’ancêtre de l’EVAM, la Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile (FAREAS), sous la forme d’un journal papier en 2001. C’est en 2010 qu’est lancée une nouvelle version, uniquement sur internet, dans laquelle sont publiés des articles en lien avec l’asile et la migration mais aussi des sujets de société du point de vue des personnes migrantes.
Le programme est coordonné par Omar Odermatt et Afif Ghanmi. Il est intercantonal, avec des rédactions dans les cantons de Vaud, du Valais, de Neuchâtel, ce qui représente une vingtaine de personnes. Une formation commune est dispensée une fois par mois afin de transmettre aux rédacteurs et rédactrices des compétences en journalisme multimédia. Les bénéficiaires sont au nombre de huit dans le canton de Vaud et se réunissent le lundi pour une séance de rédaction durant laquelle elles et ils proposent des sujets avant de les traiter le reste de la semaine. Un podcast hebdomadaire « le Flash infos » est également réalisé. “La plupart des profils qui intègrent Voix d’Exils ont effectué des études supérieures dans leur pays ou ont des compétences utiles au programme, explique Omar Odermatt. Ce ne sont pas uniquement des journalistes.”
Durant toutes ces années, ce qui est à la fois un programme d’activité et un média indépendant a vu passer de nombreuses personnes issues de l’asile, avec parfois des parcours exemplaires. “J’ai une histoire qui me vient à l’esprit, c’est celle de Keerthigan Sivakumar, originaire du Sri-Lanka qui est arrivé en Suisse en 2009, relate le responsable de la rédaction. Il a rejoint le programme Voix d’Exils en 2011 et ne parlait presque pas français. Il s’intéressait au journalisme et a commencé à faire des films. Il s’est ensuite formé à l'École romande d’arts et communication (eracom) puis à l’école cantonale d’art de Lausanne (ECAL). Aujourd’hui, Keerthigan Sivakumar est réalisateur de cinéma et a été primé aux Journées de Soleure en 2022.”
Une porte d’entrée vers d’autres métiers
Reste que la plupart des migrant·e·s qui participent à Voix d’Exils n’ont pas forcément un tel parcours. “C’est vrai, ajoute-t-il. Il y a d’ailleurs eu par le passé des personnes qui se demandaient à quoi sert Voix d’Exils car le journalisme n’offre effectivement que peu de débouchés professionnels. Une recherche a alors été menée au sein de la rédaction qui a permis de mettre en évidence l’impact positif d’une telle mesure, avec l’acquisition de compétences transversales, donc transférables dans d’autres secteurs d’activités, comme travailler en équipe, structurer son raisonnement ou encore s’exprimer en public.”
Et puis, bien sûr, Voix d’Exils est aussi une manière originale et concrète d’apprendre le français. Lors de notre visite, deux participantes réalisaient le Flash infos. “Je viens de Colombie où j’étais journaliste, raconte Renata Cabrales. Je suis arrivée en Suisse il y a trois ans. C’est très difficile pour moi, parce que la prononciation est très différente entre le français et l’espagnol, mais ce podcast est un bon outil d’’apprentissage. Et d’une manière générale, je suis très contente de croiser ici d’autres personnes, cela me permet de mieux m’intégrer.”
Au final, cette expérience collective à travers un projet journalistique semble un outil intéressant pour favoriser l’intégration des personnes migrantes. Mais pour Omar Odermatt, il est aussi adapté à d’autres populations. “Je l’ai moi-même expérimenté avec des personnes vivant avec un handicap mental, poursuit-il. Que le but soit d’intégrer le marché du travail ou non, cela permet de s’épanouir, de se développer d’un point de vue personnel. Et à travers le journalisme, ces personnes peuvent avoir des contacts extérieurs, sortir du milieu auquel elles sont assignées par leur situation.”
Pour découvrir le média en ligne: www.voixdexils.ch
Reportage vidéo chez Voix d'Exils
FOCUS
Des vidéos réalisées au sein d’Emploi Lausanne
Pas de journalisme au sein du programme 5D d’Emploi Lausanne, mais bel et bien de la création de contenus multimédias. Supervisé par Olivier Dommange, 5D comporte trois pôles : le web, le graphisme et l’audiovisuel et compte entre 25 et 30 participant·e·s. “Ce sont pour la plupart des gens en recherche d’emploi qui viennent via l’ORP, mais occasionnellement aussi de l’assurance invalidité ou les CSR, relate le responsable. Nous réalisons des projets pour différents clients, généralement la ville de Lausanne, le canton, les organismes de l’insertion (ndlr : 5D a réalisé les sites internet d’Insertion Vaud et Insertion Suisse) ou encore le milieu associatif.” Cela va de la mise en place d’un CMS (système de gestion de contenu web), à la production de graphismes, d’illustrations, d’affiches, de photos ou de vidéos. “Dans ce dernier domaine, nous avons par exemple réalisé des vidéos de présentation de mesures pour les ORP du canton, ou encore dernièrement des vidéos scénarisées pour illustrer les différentes prestations offertes par le centre Saint-Martin du Service social de Lausanne”, ajoute-t-il. La mesure est destinée à des personnes disposant au préalable de compétences techniques. “Dans ces domaines, le marché du travail est assez volatile, ce qui fait que les travailleur.euse.s peuvent se retrouver au chômage tous les deux ou trois ans, par exemple, explique Olivier Dommange. Notre programme leur permet alors d’augmenter en compétences afin de retrouver du travail, mais aussi de gagner en confiance. Enfin, nos projets sont concrets, ce qui est motivant pour les personnes impliquées.”