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Reportage

Les participant-e-s des mesures d’insertion font face à la crise sanitaire

Le semi-confinement imposé par la pandémie du Covid-19 est un coup de massue pour les personnes en recherche d’emploi. Dans ces conditions, celles et ceux qui arrivent malgré tout à trouver des perspectives sont une minorité. Mais cela rend ces succès d’autant plus réjouissants. D’où l’envie de partager quelques-unes de ces histoires glanées auprès d’organismes membres d’Insertion Vaud.

Depuis tout juste une année, Mathias* suivait la mesure DiversCités chez Emploi Lausanne, un programme qui propose aux bénéficiaires du Revenu d’insertion (RI) des activités d’utilité publique visant la reprise progressive d’un rythme de vie. N’ayant plus travaillé depuis 2013, le jeune homme de 36 ans avait peu de succès à mettre à son actif, mais une conviction : « Celle de vouloir exercer une activité lui permettant de rendre service aux autres », raconte son conseiller en insertion, Mario Pasqualone.

D’où l’idée d’orienter les recherches sur le métier d’assistant socio-éducatif (ASE). Après de nombreuses tentatives, Mathias a décroché deux stages dans des établissements médico-sociaux (EMS) gérés par un grand groupe de la région. Et le 15 avril, en pleine tourmente du coronavirus, l’institution a décidé de l’engager en CDD d’une année, promettant si tout va bien de le garder ensuite avec un salaire d’aide animateur à 80% afin qu’il puisse se préparer en parallèle à passer son certificat fédéral de capacité.

Mathias a convaincu l’employeur grâce à « son implication, son sens des responsabilités, son envie d'apprendre et son humilité. Durant cette période de crise sanitaire, il a été plus que jamais fidèle au poste et utile aux résidents et à l'institution, touchée comme tant d'autres EMS de notre canton par le Covid-19 », témoigne son conseiller.

Ce dénouement exemplaire est loin d’être anecdotique. A l’Orif, une bénéficiaire de l’assurance-invalidité a été engagée au 1er avril en CDI à 50% pour travailler dans l’intendance d’un EMS après un stage de 6 mois, rapporte entre autres Vincent Botet, directeur du Service intégration.

Même des personnes à l’assurance-chômage, malgré l’arrêt des mesures du marché du travail (MMT), arrivent à sortir leur épingle du jeu, parfois au terme d’un long processus. A la fondation IPT, Ghislaine Salda-Chaverou mentionne notamment cette dame qui vient d’être engagée en CDD comme planificatrice dans un Centre médico-social (CMS) après un parcours fortement éprouvant, marqué par un cancer.

Focus sur la santé

Le domaine de la santé est bien entendu particulièrement porteur de débouchés en ce moment, notamment parmi les migrants. Chez CEFORI, Centre de Formation et de Ressources pour l’Intégration, Isabel Perez se réjouit qu’une de ses apprenantes vienne d’être admise à l’Ecole supérieure de la santé pour une formation de technicienne en salle d’opération à la rentrée prochaine. L’association l’a suivie pour un renforcement des compétences de base en français et maths.

Certains ont des compétences professionnelles prêtes à servir, mais sont en attente d’une reconnaissance de leur formation, comme ce réfugié politique soutenu par l’association 1951 : technicien en analyses biomédicales dans son pays, il devait faire un stage au CHUV en mai prochain afin de consolider son dossier. Mais vu les circonstances, le stage est remis à plus tard, explique Mélanie Courvoisier. Le participant a donc essayé de se rendre utile autrement au cours des dernières semaines, en faisant les courses pour aider une famille d’autres migrants touchés par le coronavirus.

Un défi pour les migrants

Pour les personnes étrangères, la situation sanitaire exceptionnelle ajoute une difficulté de plus au défi de l’intégration, ce qui donne aux bonnes nouvelles une saveur toute particulière. A Vevey par exemple, les collaborateurs du Travail Social de Proximité – Ginkgo sont heureux que deux jeunes Erythréens aient tout récemment vu leurs perspectives s’éclairer, à la fois sur le front du logement et celui de la formation professionnelle.

Le premier, en stage rémunéré d’auxiliaire de santé dans un EMS depuis septembre 2019, a dû libérer son logement au 31 mars, en pleine crise du coronavirus, et vient heureusement de trouver un studio pour le 1er mai grâce à l’aide de son éducateur : « J'ai réussi à convaincre la personne, qui travaille dans une agence immobilière bien connue en Romandie, de l'importance de ce logement qui pouvait permettre au jeune de continuer son parcours professionnel, et j'ai eu la chance de tomber sur quelqu'un sensible à sa situation, qui a su convaincre à son tour le propriétaire d'accepter ce jeune homme comme locataire »,  explique Nicolas Delavy. Quant au stage, il a été prolongé jusqu'en juillet 2020, avec comme objectif pour le jeune de suivre ensuite la formation Croix-Rouge.

Pour l’autre jeune, c’est pendant le confinement que le projet de formation s’est débloqué : après avoir exploré plusieurs voies, cheminement rendu ardu en raison de ses lacunes scolaires, le jeune homme, « qui n’y croyait plus trop », a obtenu un stage dans une entreprise de constructions métalliques, ce qui a débouché sur une promesse d’engagement pour un préapprentissage. Son éducatrice, Camille Del Boca, explique qu’au début de la mesure, ce jeune avait été freiné lui aussi par un problème de logement. Et c’est justement le propriétaire de son nouvel appartement qui lui a donné le contact de son désormais futur employeur !

Pressions sur l’apprentissage

La situation des jeunes en recherche d’apprentissage préoccupe énormément les organismes d’insertion. Dans quelques cas, heureusement, la rentrée prochaine est assurée. Ainsi, dans la mesure de transition Coach’in, à la fondation Cherpillod de Payerne, deux jeunes filles viennent d’être engagées pour une formation de gestionnaire du commerce de détail, après avoir eu très peur que tout tombe à l’eau. Une a été recrutée par un grand distributeur alimentaire, sans avoir pu effectuer le stage initialement prévu et sur la base d’un seul entretien réalisé juste avant le confinement.

L’autre avait d’abord vu une promesse d’engagement refusée par la Direction générale de l’enseignement postobligatoire car l’entreprise ne répondait pas aux exigences. Puis, alors que son moral était au plus bas, elle a été forcée de rester en isolement pour avoir été en contact avec des personnes infectées par le Covid-19. Mais elle a eu ensuite l’opportunité de réaliser un stage d’une semaine dans une boucherie, qui vient de lui envoyer la confirmation écrite qu’elle pourrait commencer son apprentissage en août. « Nous n’avions encore jamais placé de jeune chez cet employeur-là », relève Tatjana Wasloff, responsable de la mesure. Elle pense que le soutien social et scolaire promis via la mesure AccEnt a été un argument rassurant pour le choix de cette candidate. En effet, les apprenti-e-s bénéficiaires de l’aide sociale sont suivis tout au long de leur formation par le Centre vaudois d’aide à la jeunesse (CVAJ), un accompagnement appréciable pour les entreprises.

Mais ces exemples encourageants ne doivent pas cacher le fait que pour beaucoup d’aspirants à l’apprentissage, le temps qui passe est de plus en plus préoccupant. « Dans les métiers de la construction et de la restauration, la période de mai à juin est décisive pour les recrutements », souligne Vincent Botet de l’Orif. Or ce sont les secteurs les plus touchés par la crise et ils ont d’autres priorités actuellement.

Une grande partie des jeunes et des moins jeunes suivis par les membres d’Insertion Vaud vont donc avoir plus besoin que jamais de soutien. S’il y a un domaine où le travail ne va pas manquer ces prochains mois, c’est bien celui de l’insertion.

(*) prénom fictif

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