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Reportage

Crise du coronavirus : l’insertion au temps de la désertion

Bureaux vides, équipes en télétravail… Depuis le 16 mars 2020, une grande partie de l’activité des organismes prestataires de l’insertion est fortement entravée, voire à l’arrêt. Mais plusieurs mesures résistent : certaines par nécessité car elles doivent produire des biens considérés comme essentiels, d’autres parce qu’elles ont trouvé des manières innovantes de poursuivre l’accompagnement de leurs participants. Petit tour non exhaustif de quelques membres d’Insertion Vaud.

« Rien n’a changé. » Tout le monde ne peut pas en dire autant, depuis que le Covid-19 s’est insinué dans la vie sociale et économique de chaque habitant du pays. Mais pour le directeur de la fondation Jobtrek, la poursuite des cours est assurée et le coaching fonctionne. La semaine précédant la fermeture des écoles, son équipe a fait le nécessaire pour s’assurer que chaque participant ait un compte en ligne et dispose du matériel nécessaire. « Les horaires sont maintenus, nous avons juste adapté les méthodes », explique Daniel Cazes, selon qui la plupart des jeunes suivis jouent le jeu.

Comme dans d’autres organismes d’insertion, les participants sont appelés à utiliser des outils numériques, et ils sont nombreux. Chez Jobtrek, ce sont les logiciels Microsoft Teams et Skype qui servent à maintenir le lien entre les équipes et les participants. Pour le coaching, une application spécifique avait en outre déjà été développée il y a plusieurs mois, qui s’avère particulièrement indispensable aujourd’hui pour suivre l’évolution des jeunes « Trekis ». Des tâches spécifiques peuvent ainsi être confiées et suivies via leur téléphone portable.

Une palette d’outils numériques

Autres mesures, autres techniques. Le centre de formation FuturPlus utilise Zoom, une plateforme de vidéo-conférences, et a en quelques jours basculé tous ses cours en mode virtuel. « Nous l’utilisions déjà de manière ponctuelle, mais dès lundi 16 mars nous avons mis tout le monde dessus », raconte Anaïs Österlöf. La co-directrice relève que certains participants ont un peu peur, mais que la plupart ont plutôt bien accueilli la nouveauté. Les enseignants, quant à eux, « ont travaillé jusque tard tous les soirs de la première semaine pour adapter leurs cours. »

Chez Motiv’Emploi, on a privilégié les solutions gratuites, comme Glowbl, qui propose une version sans frais pour un nombre restreint d’utilisateurs et de fonctionnalités, et même House Party, un réseau social très populaire chez les jeunes, permettant à plusieurs membres d’un groupe de communiquer simultanément, même avec un simple smartphone. Et pour ceux dont le Natel est trop ancien, nombreux parmi les participants à faibles moyens, c’est WhatsApp qui s’impose.

L’association, en grande partie bénévole et offrant ses services à des personnes parfois hors de tout filet social, a également lancé un appel pour trouver des webcams. Cela lui permettrait d’équiper les 50 PC dont elle dispose et qu’elle pourrait prêter à ses bénéficiaires. Son fondateur, Jean-Marc Narr, indique avoir passé tous ses programmes en « distanciel » afin de continuer à suivre les participants.  « Nous essayons de les mettre en garde contre un usage trop intensif des réseaux sociaux, vraiment anxiogènes en ce moment, et de les préparer plutôt à l’après-crise en travaillant sur les cibles. »

Finis, les stages

Skype, WhatsApp et le bon vieux téléphone sont aussi mis à contribution chez Nasca Formation, notamment pour sa mesure SeMo Coaching, qui se focalise actuellement sur les nouveaux arrivants, la préparation de leur dossier de candidature et l’entraînement aux entretiens d’embauche. « Par contre nous ne pouvons organiser aucun stage en entreprise en ce moment. Nous sommes clairement moins efficaces qu’en période normale », reconnaît le co-directeur François Dirren, qui mentionne également le site Biceps.ch comme ressource utile pour l’appui scolaire des participants.

La règle du télétravail

Rien n’a changé – ou presque – dans un grand nombre de mesures d’insertion qu’il serait impossible de toutes mentionner.

« Tous les collaborateurs de Mode d’emploi sont en télétravail, équipés IT, pour poursuivre l’ensemble de nos activités. Tous se sont très bien mis à ces outils géniaux. Les prestations (hors mesures du marché du travail - MMT) se poursuivent donc «normalement» à distance… On peut observer des capacités d’adaptation et de créativité réjouissantes dans ces périodes de crise ! », témoigne par exemple Claudine Robert, directrice de la fondation Mode d’emploi.

Même soulagement à la fondation IPT, qui annonce sur LinkedIn – encore un outil numérique : « Grâce à notre infrastructure informatique et l’engagement de tout le personnel, le télétravail a pu être organisé en quelques jours. Merci à nos 180 collaborateurs-trices en télétravail depuis lundi pour leur rapide adaptation, leur motivation et leurs idées afin de soutenir à distance nos entreprises partenaires ainsi que les personnes accompagnées. »

Nourriture, linge propre…

Enfin rien n’a changé – quoique… – pour certaines activités considérées comme vitales. Ainsi que le rapporte la directrice du SemoNord, Ingrid Artieda : « Notre atelier Cuisine reste ouvert. En effet, les crèches et les garderies continuent d’accueillir les enfants dont les solutions de garde mettraient en danger des personnes à risque, les enfants du personnel soignant et des autres collaborateurs du système de santé. Nous continuons donc à livrer les repas dans ces structures. » L’atelier Ô’Sec reste également ouvert, car le traitement du linge pour les CMS doit continuer à être assuré. Enfin l’atelier Chocolat reste aussi opérationnel afin de garantir la livraison des sandwiches pour le service de dialyse de l’hôpital d’Yverdon-les-Bains.

Pareil pour le programme de formation Cuisine de l’EVAM, qui continue d’assurer les repas des deux foyers pour mineurs non accompagnés. Responsable du Pôle Formation pratique, Brigitte Trolliet Mégroz souligne que « cette crise nous interroge sur notre manière de travailler et nous rend créatifs. » Ainsi les cybercafés de l’EVAM se transforment en espace d’apprentissage pour les enfants et les apprentis, et des projets naissent pour mutualiser les ressources.

Autant de défis qui montrent que non, rien n’a changé : dans le domaine de l’insertion, il faut sans cesse se réinventer.

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