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Reportage

Le vélo pour lever les freins à l’employabilité

Les deux-roues sont au cœur de nombreuses mesures d’insertion socioprofessionnelle. Accessibilité de la mécanique, économie circulaire ou durabilité, ce moyen de transport coche beaucoup de cases. Mais les débouchés professionnels restent marginaux.

Dans la capitale vaudoise, derrière la place centrale de la Riponne, se cache la bien nommée “Maison du vélo” de l’association PRO VELO Région Lausanne. Géré par l’EVAM, l’atelier mécanique en libre-service gratuit, permet à tout un chacun d’y effectuer des petites réparations. Lors de notre visite, trois bénéficiaires de l’EVAM s’affairaient autour de vélos. “Je ne connaissais rien aux vélos, nous raconte l’un d’entre eux, originaire de Guinée-Bissau. J’ai appris petit à petit en travaillant ici.” La mécanique, mais aussi le français, une matinée par semaine étant dédiée à l'apprentissage de la langue. “Et les autres jours, nous prenons un petit moment pour discuter en français avec les bénéficiaires, notamment de l’actualité, relate Lionel Philippoz, responsable de l’atelier. L’objectif est qu’ils soient capables d'accueillir les clients.”

À la “Maison du vélo”, la mobilité douce est donc utilisée comme un rouage de l’insertion, avec des bénéficiaires qui se familiarisent avec notre culture, mais aussi les impératifs du monde professionnel, avec ses règles et ses horaires. “La mécanique sur vélo permet aussi de responsabiliser les participant·e·s, ajoute le formateur. Lorsqu’un·e· client·e· vient avec un pneu crevé, les autres parties du vélo sont contrôlées. Il faut que le ou la propriétaire du vélo puisse ensuite rouler en toute sécurité.”

Livraisons de produits frais et locaux
Autre membre d’Insertion Vaud, Jobtrek a également placé le vélo au cœur d’une mesure d’insertion, grâce à la Sàrl Zélo qui a été mise en place via l'association Jobtrek, il y a environ trois ans. “L’initiative émane d’André Burri, avec l’objectif de proposer un service de livraison de produits frais et locaux dans les régions de Gland et Nyon, et le tout sans aucun déchet, nous explique Estelle Guex, responsable d’Ecotrek. Les client·e·s commandent en ligne, puis sont livrés à vélo cargo. Ils reçoivent alors les aliments dans des contenants, et Zélo reprend ensuite ces contenants, les lavent et les reconditionnent pour de nouvelles livraisons. Les produits sont aussi récoltés sans déchet via les producteurs.”

Les participant·e·s de Jobtrek sont accueilli·e·s dans la structure d’André Burri pour y accomplir diverses tâches en fonction de leurs capacités. “Certain·e·s l'accompagnent pour les livraisons en vélo cargo électrique, puis deviennent ensuite autonomes pour réaliser des tournées en solo”, ajoute Estelle Guex. Zélo compte se développer dans d’autres régions, notamment du côté de Lausanne, ouvrant ainsi la porte à de futur·e·s participant·e·s dans la capitale vaudoise.

Alors, le vélo, nouvel eldorado de l’insertion ? “C’est un très bon moyen pour que les participant·e·s rétablissent un lien avec le monde professionnel, répond la responsable. Et c'est clairement un moyen de transport d’avenir. Par contre, à l’heure actuelle, ce n’est pas un levier très fort pour trouver un emploi. Le monde du travail est encore majoritairement tourné vers la voiture.”

Développement de compétences connexes
Reste, néanmoins, que les bénéficiaires de mesures en lien avec le vélo emportent avec eux des savoir-faire qui peuvent être utiles dans d’autres corps de métier. Chez Pro-Jet, à Nyon, on gère le parc de vélos en libre-service PubliBike. Là, ce sont des jeunes en recherche d’apprentissage qui réparent, changent les batteries ou répartissent les vélos dans les différentes stations (voir reportage vidéo ci-dessous). “Mon objectif est de trouver un apprentissage en tant qu’horloger, nous confie Thomas, l’un des participants. Ce travail manuel et minutieux avec les vélos peut beaucoup m’aider.”

À Yverdon, autre prestataire de vélo en libre-service, mais même concept. Les vélos de Donkey Republic sont réparés à l'atelier VLSolidaire par des personnes bénéficiaires du RI, suivies dans le cadre d'une Unité commune et sans perspectives immédiates d'emploi. La mesure est proposée par Caritas Vaud. "L'objectif n'est pas de former des mécanicien·ne·s sur vélo, déclare Damien Knoepfli, responsable de l'atelier. Nous cherchons plutôt à observer les participant·e·s, à voir s'ils s'adaptent au rythme de travail. Certains n'ont plus travaillé depuis de nombreuses années. Mais cela crée parfois des vocations. Certains ont commencé un apprentissage dans ce domaine."  

Pour Damien Knoepfli, le vélo est donc un très bon outil pour les mesures d’insertion. “Les vélos en libre-service encore plus, ajoute-t-il. Avec un parc de vélos suffisamment grand, nous n'avons pas la pression de les réparer au plus vite. Nous pouvons prendre le temps avec les participant·e·s lorsque cela est nécessaire."

La société coopérative Démarche est aussi active sur Yverdon. Depuis 2020, elle forme dans son entité styyle des apprenti·e·s mécanicien·ne·s en cycles. Les vélos sont récoltés via les différentes polices cantonales, réparés, puis vendus à bas prix dans les boutiques Ateapic, qui appartiennent à la coopérative.

On le voit donc, les mesures d’insertion socioprofessionnelle autour du vélo sont très nombreuses. Et elles ont sans aucun doute de l’avenir. Le secteur des deux-roues est en effet en fort développement ces dernières années. En Suisse, durant la pandémie en 2020, les ventes ont augmenté de 24,4% pour atteindre près de 2,4 milliards de francs[1].

[1] Etude de marché réalisée dynaMot

 

Reportage vidéo : Le vélo et l'insertion des jeunes au sein de l'association Pro-Jet à Nyon

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