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Politique d'insertion
Les leçons d’un suivi innovant, précoce et individualisé pour l’insertion des migrants
Le projet InVaud a pris fin en février 2020. Visant à accompagner de manière renforcée dès leur arrivée dans le canton des jeunes requérants d’asile sur le mode du « case management », ce projet pilote a prouvé la pertinence de son modèle, largement repris pour la mise en place du nouvel Agenda Intégration.
« Une motivation de dingue, un travail acharné et zéro abandon » : lors de la cérémonie de clôture du projet InVaud le 6 février 2020 à Lausanne, ce sont les mots qu’a utilisés Marie Saulnier Bloch, coordinatrice du programme pour la partie confiée à Insertion Vaud, afin de décrire les participants de ce projet pilote mandaté par le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI).
De fin 2016 à fin 2019, 40 jeunes requérants d’asile fraîchement arrivés en Suisse ont été suivis par deux conseillères en insertion côté Insertion Vaud et 40 autres attribués à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). L’objectif était de voir si un renforcement des moyens en vue d’un dispositif novateur, rapide et personnalisé dès le début du séjour pourrait faire la différence dans l’insertion socioprofessionnelle de ces personnes, comparé aux prestations habituellement réservées aux primo-arrivants dans le système vaudois de l’asile.
Accompagnement multidimensionnel
Un forfait d’environ 1000.- francs par mois sur deux ans était prévu par participant afin de financer des mesures d’insertion adaptées à chaque profil – formation, orientation, coaching, placement, etc. Tous ont bénéficié d’un accompagnement multidimensionnel face aux nombreux défis que pose l’intégration en termes social, sanitaire, juridique, professionnel et personnel. En plus du suivi des deux collaboratrices, une vingtaine d’organismes membres de la faîtière Insertion Vaud ont notamment pu être mandatés pour délivrer ou développer avec grand succès de nouvelles prestations plus intégratives.
Evoquant les résultats concrets du projet, Marie Saulnier Bloch a mentionné que 100% des participants du dispositif d’Insertion Vaud ont amélioré leur communication en français et 85% ont trouvé une issue favorable à leur projet d’insertion - formation, emploi ou projet en voie de réalisation -, cela dans une multitude de professions allant de couturier à informaticien. « Il s’agit de 34 personnes sur 40, considérant que 6 jeunes mères de famille - avec 1 à 3 enfants en bas âge - n’ont pas encore eu de projet d’insertion professionnelle. »
Le modèle du case management s’est révélé particulièrement efficace pour répondre aux besoins de ces jeunes de 18 à 25 ans provenant d’Erythrée, de Syrie, d’Afghanistan et de Somalie. A la manière d’un guichet unique, le suivi transversal des deux collaboratrices d’Insertion Vaud a permis de dépasser la logique « en silos » propre à l’assistance ordinaire des requérants d’asile, et d’éviter ainsi l’effet « tourniquet » qui renvoie les personnes d’un référent à l’autre tout au long de leur procédure.
Miser sur le potentiel et le travail en réseau
Dans son rapport final, Marie Saulnier Bloch explique avoir conçu un système basé sur les potentiels de chaque participant plutôt que sur leurs déficits, et sur la confiance plutôt que sur l’assignation, le contrôle et les sanctions. Elle souligne la complémentarité du travail en réseau et les avantages de l’immersion en situation réelle pour apprendre le français, notamment grâce aux nombreux stages professionnels, aux activités sportives et culturelles, ainsi qu’au parrainage de nombreux bénévoles.
Le projet InVaud a été suivi de près par différentes équipes de chercheurs des universités de Lausanne et de Neuchâtel, donnant lieu à plusieurs rapports, articles scientifiques et mémoires de master. Toutes ces études soulignent l’apport décisif du projet pour les participants, tant en ce qui concerne le développement de leur carrière que l’élargissement de leur réseau social. L’intérêt du case management, relève par exemple l’équipe du Professeur Jérôme Rossier à Lausanne, est notamment de lever les barrières culturelles, émotionnelles et matérielles, et de renforcer les ressources sociales, personnelles et institutionnelles propres à chaque cas.
Soutien émotionnel et instrumental
En effet, relèvent les observateurs et acteurs du projet, les jeunes migrants doivent faire face à une pluralité de difficultés, voire de traumas, liées à leur parcours migratoire, leur statut administratif, leur phase de vie et leur isolement, qui les exposent à de forts risques d’exclusion et même d’exploitation. En ce sens, InVaud a apporté un réel soutien émotionnel et instrumental dans ce parcours ardu d’intégration, ont confirmé les participants interrogés dans les différentes recherches.
Cette approche perdurera dans le cadre du volet vaudois de l’Agenda Intégration, qui porte dès cette année de 6000 à 18’000 francs le forfait octroyé par la Confédération pour chaque personne recevant le statut de réfugié ou une admission provisoire. « Ce modèle prône, entre autres, un suivi précoce, intensif et tout au long du parcours d’insertion. (…) Nous avons donc pu tirer des enseignements d’InVaud », a déclaré Julien Bourgnon, chargé de projet au BCI, lors de la soirée de clôture organisée par Insertion Vaud en présence de nombreux participants et partenaires du projet – organisateurs de mesures, autorités publiques, employeurs, bénévoles, chercheurs, etc.
A cette occasion, le président d’Insertion Vaud Stéphane Manco a rappelé que les 40 jeunes félicités ce soir-là représentaient seulement 1% des effectifs de requérants d’asile arrivés dans le canton en 2017 et 2018, et seulement 0,002% de l’ensemble des personnes migrantes ayant réussi à entrer en Europe au cours de ces deux années. « InVaud n’a représenté que quelques gouttes d’eau, mais chaque goutte compte, rapportée à 40 destins humains. » Au nom du comité d’Insertion Vaud, il a souhaité à ces 40 jeunes hommes et femmes « de réaliser leurs rêves et de trouver leur place dans ce pays ».
Quant aux deux collaboratrices du projet pilote, Marie Saulnier Bloch et Rachel Gotheil, elles quittent Insertion Vaud mais resteront actives dans le domaine de la migration, une comme syndicaliste et l’autre en tant que coach dans un organisme d’insertion. Bonne route à elles aussi !
>> Quelques citations des jeunes en cours et fin de projet
>> Rapport CePCO : Jérôme Rossier et al. (UNIL)
>> Mémoire de Master : Carolina Toletti (UniNe)
>> Rapport EFLE : Anne-Christel Zeiter (UNIL)